Les Angles L’homme qui coache ses pigeons voyageurs
Orages au désespoir !
Je suis un long courrier, je suis engagé pour le concours de Bruxelles ainsi que treize congénères. J’ai fait l’objet d’une préparation physique, mon coach me motive, j’ai un mental à toute épreuve. Je dois rejoindre mon colombier, il se situe sur la commune » Les Angles » dans le Gard. Suivant les coordonnées GPS, j’ai 758,982 kms à parcourir. Ce concours de Bruxelles est organisé par les colombophiles du sud-ouest de la France, il intéresse toutes les régions du sud de la France, c’est un concours semi-national. Le 2 août, nous sommes 2400 pigeons dans les starkings bloc. Pour des raisons météorologiques : orages sur la façade atlantique, le départ est différé au lendemain. Le 3 août;, il fait beau à Bruxelles, l’ordre de lâcher est donné, nous prenons le départ. Chacun d’entre nous a un azimut à prendre. Nous n’avons ni le même parcours, ni la même météo. Alors que nous volons depuis plusieurs centaines de Kilomètres, nous rencontrons les premiers orages en vallée de la Saône, ainsi que dans
le couloir rhodanien. Nous sommes très sensibles aux orages, ces derniers perturbent notre système de navigation, nous ne pesons que quelques centaines de grammes. Les vents tempétueux, les averses constituent un mur infranchissable. Nous fuyons en espérant trouver une brèche, nous volerons jusqu’à épuisement. Nombre d’entre nous, serons signalés dans le Jura, le Doubs et en Italie, certains ont même franchi les Alpes ! Mon coach René Dengreville se fait beaucoup de mauvais sang, ce concours est le dernier de l’année, ces meilleurs sujets sont engagés. Moi, pauvre pigeonne née en 2009, immatriculée 140399, porteuse d’une bague adresse, ayant bourlinguée en long, en large le territoire français pendant des années. Je n’en peux plus, j’échoue à la frontière Suisse dans un petit village du Doubs appelé Dampjoux, je suis recueillie par M. et Mme Tissort Patrice. J’ai de la chance, ils aiment les animaux. Ils me signalent à mon propriétaire et me prodiguent les premiers soins. Une convention est établie entre les deux hommes, il me faut quelques jours pour reprendre des forces et effacer toutes les images traumatisantes. Sitôt que je manifesterai des signes de rétablissement et d’impatience, mon bienfaiteur a pour consigne de contacter mon maître afin de déterminer mon jour de départ. Cette fois, il ne faut pas que j’échoue ! Mon partenaire ainsi que ma progéniture attendent mon retour. Le jour J est fixé, M. Tissort attendra que les brumes matinales qui couvrent la forêt soit levée pour me lâcher. Il me vit tournoyer deux fois autour du village avant de prendre mon cap, le chemin de ma maison. L’étape était trop longue, je rentrai le lendemain pour la plus grande joie de mon propriétaire. Ce dernier avisa mon sauveteur de la bonne nouvelle. Tout ce chemin parcouru pour constater qu’une petite aguicheuse avait séduit mon partenaire. Il me fallut bagarrer deux jours bec et ongles pour réintégrer mon casier et reconquérir mon compagnon. Ce concours de Bruxelles fut catastrophique pour la région PACA, notre contingent était de 180 pigeons. La plupart des concurrents ne sont pas rentrés. Nombre d’entre nous sont morts épuisés, améliorant la pitance des rapaces et nuisibles en tout genres. Voici notre quotidien, nous les pigeons voyageurs, nous restons des êtres fragiles, méritant le respect. Notre espèce est protégée. Lors
des entretiens téléphoniques, l’anxiété de M. Tissort était perceptible, celui-ci doutait de mon retour… Ces régions sont peuplées de faucons pèlerins et d’autour des palombes, seul un pigeon aguerri peut déjouer ces prédateurs, il faut dire que nous aussi, avons une vue incomparable et équivalente. Cette histoire est vraie, elle constitue en soi un conte de Noël pour petits et grands. Ce témoignage sera transmit à M. Tissort en guise de vœux pour 2014 dès sa parution.