Quatre principes pour quatre valeurs fondamentales
Par P-Ed.Despierres
La question est souvent posée à propos des concours colombophiles…
Et en la matière, il faut le reconnaître, chacun y va de son appréciation personnelle. Celui-là s’appuiera sur la défense de son analyse souvent faite de certitudes, fondées ou non. Cet autre colombophile défendra ses à priori construits sur des idées reçues véhiculées tantôt par d’anciens vainqueurs réguliers, tantôt par ces vainqueurs dits de circonstance. Et parce qu’ils ont bénéficié un jour d’un « coup de chance », ces derniers s’imaginent toujours qu’ils sont détenteurs d’une vérité qu’ils s’approprient comme la seule plausible et surtout comme la seule acceptable.
Aujourd’hui, retenons simplement que « jouer à pigeons » relève d’une adhésion à une forme de jeu. Voilà déjà un premier principe absolument fondamental. Si tel n’était pas le cas, alors il faut se déclarer « professionnel » de la discipline et afficher clairement ses ambitions et ses objectifs. Chacun pourra dès lors analyser son engagement dans le « jeu » soit comme joueur, soit comme partie intéressée c’est-à-dire comme partie professionnelle.
Aujourd’hui, mon avis est que l’immense majorité des colombophiles considère son engagement au seul niveau du jeu. Mais on peut parfaitement ne pas partager ce point de vue et je respecte celui ou celle qui ne serait pas de cet avis. Pour autant, mon attachement ira plus spontanément vers celui qui déclare tout simplement « jouer à pigeons ». C’est alors qu’intervient un second principe fondamental : qui dit « jeu » dit forcément « règles du jeu ». Alors, parlons plus simplement de ce que sont ces règles.
Au plan de la définition il s’agit en premier lieu de textes issus « des prescriptions de l’autorité nationale », des « instructions relatives à l’application desdites règles » et de « tout autre document régissant une épreuve » c’est-à-dire un concours, ici colombophile. C’est là qu’intervient ce qui constitue cette fois un troisième principe : Edictées par tout Organisateur, ces règles constituent par conséquent un véritable « contrat » entre celui-ci et le joueur. Dans cette affaire, les arbitres de toute fédération sportive quelle qu’elle soit sont tout simplement chargés de faire respecter ce contrat en opérant différents contrôles que leur autorité nationale leur missionne par une délégation d’autorité.
Intervient alors un quatrième principe tout autant fondamental que les trois premiers : celui de l’adhésion du joueur aux règles qui lui sont proposées. Par sa décision de jouer, celui-ci se responsabilise du même coup dans son engagement à faire courir ses propres pigeons et en toute connaissance de cause. Il connait en effet :
- Le principe même de son engagement : c’est « le jeu »,
- Le dispositif qui va s’appliquer à ce jeu : ce sont « ses règles »,
- Le lien qui le lie à l’Organisateur : c’est « son contrat »,
- Son engagement personnel : c’est « son adhésion » aux règles qui lui sont proposées.
Revenons plus simplement à nos concours colombophiles dont certains n’hésitent pas à défier clairement tout ou partie des quatre précédents principes. Pour exemple, et au prétexte qu’un point avant est parfois distant de plusieurs dizaines de kilomètres d’un point arrière, celui-là qui joue la vitesse s’estimera lésé par tel ou tel système de classement proposé par l’Organisateur.
Et fort d’un titre de circonstance acquis par le passé sur tel ou tel concours, ce même joueur s’appuiera sur ce qu’il dit être « son » expérience pour affirmer que tout est truqué, que tout est calculé d’avance, ou encore que rien n’est équitable. Il prendra attache aussi de tel ou tel qui lui pose la bonne question sur le sujet tout en apportant lui-même sa propre réponse et ignorant le plus souvent que la demande n’est autre qu’une demande de simple information. Mais après tout pourquoi ce colombophile plein de ses certitudes irait-il tenter d’informer celui-là qui questionne sans savoir ce que l’autre sait mais qu’il garde pour lui seul et sans partage ? L’un sait et l’autre ne sait pas ! C’est tout simple !
Je ne rentrerai pas ici dans cette appréciation parfaitement discutable de ces points de vue établis sur des aprioris dont sont porteurs ces colombophiles pleins de certitudes. De celui qui cherche à comprendre parce qu’il ne sait pas ou de celui qui est sûr de lui parce qu’il prétend tout savoir, je vous laisse imaginer celui des deux qui est le plus dangereux pour la colombophilie. Ces colombophiles que je dis pleins de certitudes ont certainement raison dans leur tête mais plusieurs questions se posent tout de même à eux :
- Sont-ils dans « le jeu » ?
- Admettent-ils « ses règles » ?
- Respectent-ils « son contrat » ?
- Apportent-ils leur « adhésion » à tout cela ?
Forcément, la réponse est « non » ! Alors, pourquoi s’entêtent-ils encore à « jouer à pigeons » ? Ils n’ont rien à prouver aux autres puisque par principe ils ne sont d’accord avec aucune des règles du jeu. Reste leur propre personne : ont-ils vraiment quelque chose à se prouver à eux-mêmes puisque leurs certitudes les convainquent de leur bonne raison ? Pour ma part, je crois qu’un certain nombre de valeurs ne sont pas ou ne sont plus parmi celles qui nous rassemblent tous encore autour de notre adhésion commune et volontaire au principe du jeu, de ses règles et du contrat qui nous lie à l’Organisateur. Rappelons tout de même que ce dernier se dévoue pour valoriser ces valeurs-là. Et rappelons aussi qu’avec lui, par notre adhésion aux règles du jeu, nous sommes tous ensemble :
- dans le Rêve : qui parmi chacun d’entre nous n’a pas un jour fait ce Rêve de devenir champion ? Je dirai plutôt « qui n’a pas un jour rêvé de posséder un champion dans sa colonie ?
- dans l’Ambition : qui n’a pas un jour eu l’Ambition de surpasser son ami et voisin colombophile dans cette indispensable émulation entre joueurs partageant ces mêmes valeurs ?
- dans le Travail : qui n’a pas un jour constaté que rien ne s’obtenait sans Travail ?
- et dans le Partage : qui n’a pas eu un jour cette envie de transmettre ses observations à autrui, faisant de son Partage l’une des valeurs commune à chacun d’entre nous ?
Mes fonctions de formateur d’arbitres nationaux au sein d’une importante fédération sportive française m’ont maintes fois amené à mettre en avant ces quatre principes fondamentaux auxquels nous avons le devoir de nous attacher. Chacun de ces quatre principes s’appuie sur l’une de ces quatre valeurs citées ici :
- Du Jeu découle le Rêve,
- De ses Règles naît naturellement l’Ambition,
- De la mise en place d’un Contrat dépend le Travail qui guide le joueur dans ses choix,
- De son Adhésion au système naîtra le Partage dans le savoir être et dans le savoir-faire.
A tout cela, j’ajouterai une notion fondamentale que ceux qui connaissent la mer et la montagne reconnaîtront aisément : l’Humilité. Savoir rester humble c’est savoir :
- proposer du Rêve dans le Jeu,
- exprimer son Ambition dans le respect des Règles,
- remplir un Contrat et réaliser le Travail qui en dépend,
- exprimer à tous sa volonté d’Adhésion à un système que l’on Partage sans calcul.
Au total, respectons davantage les engagements des uns et des autres. Jouons pour partager du plaisir et pour valoriser ce qui nous tient à coeur. Cessons de clamer ici ou là que tel ou tel concours n’est pas équitable dans le mode de classement choisi. Le jeu est ainsi et en nous y inscrivant nous adhérons à ses règles. Le principe de classement qui est choisi ici ou là l’a été par la collectivité colombophile qui l’a accepté comme tel. Un autre type de classement (« contre la montre » par exemple) établira d’autres règles qui emporteront forcément l’adhésion des pratiquants qui s’y inscriront. Ce n’est pas pour cela ni comme cela que l’on doit pour autant tout remettre en cause et tout condamner sans rien proposer en remplacement.
