Le retour au pigeonnier : explications scientifiques
Le « travail » du pigeon est différent des déplacements saisonniers des oiseaux migrateurs… La connaissance scientifique que l’on a de lui a pu être poussée beaucoup plus que dans d’autres espèces animales du fait du retour au nid quasi immuable, qui permet de réaliser des épreuves dans lesquelles il est relativement facile de faire agir les variables expérimentales tant sur l’animal lui-même que sur les informations qu’il reçoit durant son vol.
51Des pigeons lâchés à 1 000 km de leur colombier sont capables d’y revenir en une journée, ce qui ne peut être le fait du hasard, mais bien celui d’un vol dirigé d’emblée dans la bonne direction. La distance au-delà de laquelle le retour commence à poser des problèmes se situe entre 1 000 et 1 500 km. Le taux de retour est fonction de l’expérience des sujets mais aussi des conditions météorologiques. Lorsqu’ils sont lâchés, les pigeons réalisent généralement un cercle sur eux-mêmes d’une minute environ, sur un diamètre de plusieurs centaines de mètres, avant de prendre la direction qu’ils évaluent comme celle de leur nid.
Les moyens physiologiques dont dispose le pigeon pour accomplir ses exploits sont les suivants : à commencer par la vision : un élément de base dans la navigation du pigeon voyageur est le rôle de sa vue. Cette perception implique aussi la connaissance de l’heure au moyen d’une sorte d’horloge intérieure. Le moment du lâcher est très important pour cette raison : l’absence de perception visuelle du soleil dans la première partie de la journée empêche l’orientation du pigeon. Cette orientation repose donc en premier lieu sur un « compas visuel » qui n’est pleinement opérationnel que par beau temps quand le soleil est visible. Ce moyen n’est pas le seul en place dans l’organisme de l’oiseau puisqu’il arrive néanmoins, avec moins de rapidité certes, à regagner son nid par temps couvert. La magnétite est un dérivé du fer magnétique. Elle est produite naturellement par les espèces animales
Des faits très convaincants indiquent l’existence d’une participation de l’olfaction : des pigeons dont les narines ont été bouchées ou dont les nerfs olfactifs ont été sectionnés s’orientent mal et ne reviennent que très lentement ou en très faible proportion à leur nid. Enfin, la faculté du pigeon à percevoir des informations du champ magnétique terrestre est avérée. La connaissance de la magnétite étant établie chez les bactéries et les abeilles, plusieurs équipes ont recherché cette substance chez cet oiseau. Au cours des dissections, les localisations possibles de matériel magnétique étaient recherchées à l’aide de magnétomètres ultrasensibles. Ces démarches ont conduit à la mise en évidence de deux structures de localisations différentes : une première dans la boîte crânienne, la seconde dans les muscles du cou.
Le pigeon peut donc être aidé dans la recherche de sa direction par ces trois systèmes anatomiques perfectionnés : sa vue, son olfaction et sa perception d’informations du champ magnétique terrestre. Il semble que l’oiseau soit plus influencé par l’un ou l’autre de ces moyens en fonction des conditions extérieures de son vol.
Enfin, tout cela ne servirait à rien si l’oiseau n’avait une volonté claire de retourner dans son nid. Très attaché à son compagnon ou à sa compagne, jaloux de n’importe quel autre pigeon qui s’en rapprocherait, excellent couveur et parent, le pigeon laisse le choix à l’homme pour lui fournir une stimulation forte de retourner dans son nid. La méthode la plus couramment utilisée est le « veuvage » : les couples sont séparés toute la semaine. Le colombophile les réunit devant une grille infranchissable le samedi, quelques minutes. Le pigeon lâché le dimanche lors du concours n’a donc plus qu’une seule motivation : retrouver son partenaire, celui-ci l’attend au casier à son arrivée. Pour quelques minutes d’intimité. Après quoi, les mâles sont à nouveau séparés des femelles. Les retardataires à la fin de la compétition pourront être privés de retrouvailles. Ils voleront plus rapidement au prochain lâcher. Cette pratique, et d’autres similaires, comme séparer un parent de ses pigeonneaux, prouve la parfaite connaissance du comportement du pigeon par l’homme. Et l’art de la compétition ou les enjeux stratégiques entourant l’utilisation du pigeon voyageur ont rendu ces pratiques jalousement gardées par les spécialistes, jusqu’à ce que leurs concurrents ou d’autres nations ne les découvrent à leur tour, à force de tentatives pour accroître la rapidité du retour au nid.
Pour citer cet article
Référence papier
Florence Calvet, Jean-Paul Demonchaux, Régis Lamand et Gilles Bornert, « Une brève histoire de la colombophilie », Revue historique des armées, 248 | 2007, 93-105.
Référence électronique
Florence Calvet, Jean-Paul Demonchaux, Régis Lamand et Gilles Bornert, « Une brève histoire de la colombophilie », Revue historique des armées [En ligne], 248 | 2007, mis en ligne le 16 juillet 2008, consulté le 08 février 2014. URL : http://rha.revues.org/1403